Tout un ensemble de mesures monétaires dites “conventionnelles” existe à différentes échelles, notamment et surtout en ce qui concerne les Banques Centrales. L’objectif annoncé de ces mesures conventionnelles est simple, puisqu’il consiste à se rapprocher autant que possible du triangle keynésien (croissance, plein emploi et équilibre extérieur). En termes simples, l’objectif recherché par les mesures monétaires résultantes des théories dont elles découlent est la stabilité totale (économique, sociale et financière).
Le problème de la plupart des théories est qu’elles ne s’appliquent pas en pratique. Il en résulte souvent ceci : “La théorie, c’est quand on sait tout et que rien ne fonctionne. La pratique, c’est quand tout fonctionne et que personne ne sait pourquoi. Si la pratique et la théorie sont réunies, rien ne fonctionne et on ne sait pas pourquoi.” (Albert EINSTEIN)
Pour palier les échecs manifestes des mesures conventionnelles, les politiciens et économistes se sont lancés dans la course aux idées farfelues et ainsi ont créé les “mesures (ou politiques) monétaires non-conventionnelles”. Il ne pouvait résulter de ces nouvelles théories, à la fonctionnalité et finalité douteuses, mises en place pour tenter de contrer des théories existantes délétères autre chose qu’un cocktail explosif. Explications !
Les taux directeurs comme principal levier
Les mesures dites “conventionnelles” ont pour objectif principal la régulation des grandes tendances macroéconomiques. Afin de recourir à cela, les banques centrales usent d’un levier quasi unique. Il s’agit des taux directeurs.
Ces taux représentent, entre autres, les intérêts nominaux imposés au jour le jour par les banques centrales (BCE, FED, BoJ, BoE, etc.) aux banques commerciales (HSBC, JP Morgan, Goldman Sachs, Société Générale, LCL, etc.).
Si une banque centrale décide qu’il est souhaitable que les banques commerciales prêtent plus d’argent aux particuliers et professionnels, alors elle peut décider de réduire ses taux d’intérêts. Le coût du financement devenant ainsi moindre pour les banques commerciales, elles peuvent de facto prêter plus aisément et quantitativement.
Cependant, les taux d’intérêts peuvent se rapprocher de 0% en cas de forts problèmes macroéconomiques (ex : COVID) et se bloquer. Ce faisant, les mesures conventionnelles ne suffisent plus. En effet, dans le cas d’un taux plancher zéro, une banque centrale ne dispose plus de son levier principal pour influer sur l’économie de sa zone. Le recours à des mesures dites “non-conventionnelles” prend, dès lors, le relais par l’intermédiaire du canal des taux d’intérêts.
Le canal des taux d’intérêts comme évolution du levier
En canalisant, et donc en modifiant, à la baisse les taux d’intérêts de certains actifs telles que les obligations d’Etat, la banque centrale réduit ainsi le potentiel de rémunération desdits actifs. Par voie de conséquence, cela incite directement les investisseurs à acheter d’autres actifs, tels que des actions ou obligations d’entreprise, par exemple.
Afin d’agir, dans le cadre de ces mesures dites “non-conventionnelles”, une banque centrale dispose d’un ensemble d’outils définis ci-après.
La vocation de cet article n’est pas de dresser un stupre exposé exhaustif de chaque mécanisme, mais seulement d’éveiller tout investisseur souhaitant acquérir, voire accroitre, une relative compréhension de notre monde.
L’Assouplissement Quantitatif (ou Quantitative Easing)
L’assouplissement quantitatif est la voie par laquelle une banque centrale rachète abondamment de la dette publique et d’autres actifs financiers. L’objectif de cette mesure est, théoriquement, d’injecter suffisamment de liquidités dans l’économie afin de stimuler la croissance, cette dernière résultant de l’augmentation de la masse monétaire.
Par ce biais, une banque centrale rachète ainsi aux acteurs financiers concernés des dettes. Il s’agit principalement et généralement d’obligations d’Etat ou d’entreprises et, possiblement, de titres adossés à des actifs comme les titres hypothécaires (c.f. titrisation).
L’Assouplissement des Conditions de Crédit (ou Credit Easing)
La mesure visant à l’assouplissement des conditions de crédit consiste en deux éléments, à savoir le refinancement ou alors le rachat par une banque centrale de titres représentatifs de crédits à l’échelle de l’économie. Cette mesure vise donc, principalement, les billets de trésorerie, les obligations privées et/ou les bons hypothécaires.
Les objectifs théoriques de cette mesure sont de ranimer le marché de ces titres et de détendre le refinancement interbancaire, en favorisant les financements directs à l’économie.
Le Guidage Prospectif (ou Forward Guidance)
Une banque centrale est tout à fait en mesure de projeter ses actions afin d’anticiper et d’influencer les réactions des marchés. Cette mesure se nomme guidage prospectif.
A ce titre, une banque centrale peut tout à fait annoncer ses intentions en matière de politique monétaire, tel un maintien bas des taux directeurs, dans un avenir plus ou moins lointain.
Par ce seul et unique fait, les banques commerciales peuvent dès lors ajuster leurs taux prêteurs à moyen- et long-termes. En effet, si elles ont la “certitude” de pouvoir emprunter sur une période donnée à des taux bas auprès de leur banque centrale de zone, alors elles peuvent diminuer sans risque leurs propres taux prêteurs.
Pouvant obtenir des prêts à des taux plus avantageux, particuliers et entreprises peuvent donc plus facilement avoir recours au crédit à des fins d’achats importants (immobilier, automobile, etc.).
Les Taux d’Intérêts Négatifs (ou Negative Interest Rates)
Par la mesure non-conventionnelle des taux d’intérêts négatifs, une banque centrale fait donc passer sous le seuil plancher de 0% le taux appliqué aux dépôts des banques commerciales auprès de ladite banque centrale.
Cette mesure constitue, très simplement, une sorte de taxe concernant les excès de “réserves” des banques commerciales. Cela les incite, par voie de conséquence, à ne pas laisser cette monnaie en dépôt à la banque centrale afin de l’investir (théoriquement) de façon autrement plus rentable.
Il est nécessaire d’avoir conscience que ces dépôts sont principalement constitués des épargnes des clients des banques commerciales.
Cependant, par l’intermédiaire du système à deux paliers, les banques commerciales sortent toujours gagnantes. En effet, ce système des deux paliers permet à une banque centrale de ne pas faire payer aux banques commerciales le taux d’intérêt en vigueur, qui devrait s’appliquer, en ce qui concerne les excédents relatifs aux réserves obligatoires.
La Monnaie Hélicoptère (ou Helicopter Money)
Iriguer l’ensemble de l’économie avec de l’argent directement versé dans les poches des citoyens et/ou acteurs économiques (particuliers ou entreprises), tel est le principe de fonctionnement de la monnaie hélicoptère.
Théorétique jusqu’à l’an 2015/2016, l’inondation de liquidités dans l’économie (monnaie hélicoptère) est désormais venue compléter l’inondation de liquidités au sein des marchés financiers (assouplissement quantitatif).
Chômage partiel, “primes” pour les personnes vaccinées (aux Etats-Unis notamment), aides de fin d’année, “chèque énergie”, etc., ne sont que quelques exemples de monnaie hélicoptère.
Le Refinancement des Opérations à Long-Terme (ou Long-Term Refinancing Operations dites “LTRO”)
Après 2008, les banques centrales se sont livrées à une véritable totalitarisation des marchés financiers, en refinançant et soutenant artificiellement, notamment, la majeure partie du marché interbancaire à coups de déversages massifs de monnaies centrales directement dans les comptes des banques commerciales.
Ces mesures sont qualifiées de “non-conventionnelles” en ce qu’elles dépassent largement les opérations de refinancement “classiques” régies par le taux de refinancement. Ce dernier constitue d’ailleurs l’un des trois principaux taux directeurs, avec le taux de rémunération des dépôts et le taux du prêt marginal (ou taux d’escompte aux Etats-Unis).
Les LTRO ont connu des variations de durée (surtout 1 an et 3 ans), avec quelques déclinaisons que l’article d’aujourd’hui n’a pas pour vocation à aborder.
La Monnaie Parallèle non-comptabilisée
Bien que ce dernier aspect des mesures non-conventionnelles soit loin d’être le plus répandu, il est nécessaire de rappeler l’importance du passé afin d’envisager une compréhension des évènements à venir.
A cet égard, ne pas évoquer les bons MEFO (Metallurgische Forschungsgesellschaft) serait dommage. En effet, l’histoire économique des années 1930 a montré la mise en place d’un système novateur en Allemagne.
Le principe était simple. Il consistait à échanger des obligations d’entreprises dans le secteur de l’armement contre des bons dits “MEFO”, sous contrôle de la Reichsbank, échangeables à terme contre des Reichmarks.
Aussi incroyable qu’il soit, ces bons MEFO n’étaient pas comptabilisés dans la masse monétaire, et servaient uniquement à l’Etat pour payer toute industrie dans le domaine de l’armement. Une véritable “monnaie parallèle non- comptabilisée”, donc !
Le plus illustre résultat de cette mesure fut le relancement notoire de l’industrie militaire allemande, passant de 1% de son budget au début des années 1930 à 20% à la fin de la même décennie. En sus, cette mesure a permis un maintien stable de l’inflation, l’atteinte du plein emploi et le contournement des réglementations en vigueur comme le Traité de Versailles de 1919.
Conclusions
A l’issue de cet article, il apparait comme évident que le panurgisme généralisé à l’échelle de notre monde entraine quotidiennement le délitement du Système Economique Mondial (SEM) et ce, d’une manière tout à fait orchestrée.
Panurgisme, au sens de conformisme. Panurgisme, au sens de grégaire. Le monde tout entier est désormais un vaste troupeau de moutons, au sens nietzschéen du terme. Pour citer le philosophe, “Veux-tu avoir la vie facile ? Reste toujours près du troupeau, et oublie-toi en lui.”
Cependant, comment ne pas voir que toutes les mesures monétaires, conventionnelles ou non, ne sont rien d’autres que des écrans de fumée artificiels ? A quel moment font-elles, de près ou de loin, référence à l’économie réelle ? En quoi ces mesures pourraient-elles prétendre à une évolution pérenne d’un Système, d’un pays ou d’un peuple ?
Enfin, en guise de rideau final, n’est-il pas pertinent de rappeler que les mesures monétaires non-conventionnelles sont apparues du fait des défauts de fonctionnement latents des mesures conventionnelles ? Mais il est tout aussi pertinent de rappeler que si les mesures non-conventionnelles se sont tant généralisées et developpées, quantitativement parlant, c’est bien parce qu’aucune ne fonctionne.
Ainsi, le Système Economique Mondial (SEM) semble donc, à l’instar de tout empire, être sur le déclin. Cependant, la pente est rude et la chute sera, pour beaucoup, très dure. D’ailleurs, un grand nombre de personnes risque de ne jamais s’en relever. Le problème de ce constat est que les conséquences iront bien au-delà du pan financier ! Il existe des solutions pour y faire face, mais encore faut-il le vouloir et être prêt à penser différemment !