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Automobile : est-ce une véritable passoire financière avilissante et patrimonialement déliquescente ?

Pour la majorité des personnes, l’automobile est symbole est de « liberté » et « d’autonomie ». Pourtant, la réalité est objectivement autre, surtout en ce qui concerne l’aspect financier de l’automobile. Alors que nombreux sont ceux à voir en la voiture une sorte d’accomplissement auto-réalisateur, un chanteur français arguait déjà en 1975 que « la bagnole, la télé[vision], le tiercé, c’est l’opium du peuple de France ; lui supprimer c’est le tuer, c’est une drogue à accoutumance » (Hexagone, Renaud). En ne rentrant aucunement dans le spectre de la subjectivité, quelle réalité financière se cache factuellement derrière l’usage d’une automobile ?

Introduction

Cet article a pour intention de se vouloir compendieux, et son temps de lecture sera donc relativement court eu égard à l’incidence des éléments traités. Véritable passif financier, l’automobile n’est raisonnablement pas à considérer comme un investissement (à quelque échelle que ce soit) en ce que l’usage raisonnable d’une automobile ne peut qu’engendrer des pertes financières massives. Pourquoi ? Simplement parce que l’automobile ne permet aucunement de bénéficier de la composition des intérêts !

Pour savoir de quoi il retourne lorsqu’il est question de la composition des intérêts, SCYLLA INVESTMENT invite ses lecteurs à (re-)découvrir l’article déjà réalisé à ce sujet et intitulé « Investissement : que sont les intérêts composés ? ». Ingénument, Albert EINSTEIN déclarait lui-même à propos des intérêts composés qu’ils « sont la huitième merveille du monde. Celui qui les comprend les gagne ; celui qui ne les comprend pas les paie ». En matière d’automobile, une seule réflexion fait écho à cette citation : Et comment !

De la notion de « Prix de Revient Kilométrique » (ou PRK)

En s’intéressant quelques instants à une donnée aisément accessible, le Prix de Revient Kilométrique (ou PRK), il est saisissant de constater à quel point l’automobile est un passif financier de tout premier ordre et qu’il coûte énormément d’argent. Toujours plus, serait-il même dicible ! Avant d’aller plus loin dans les explications, il est possible pour tout un chacun de calculer le Prix de Revient Kilométrique (PRK) de son véhicule grâce à la calculatrice dédiée disponible en cliquant ici.

D’après L’Argus, le « prix de revient kilométrique (PRK) » de L’Argus est l’outil indispensable des automobilistes. Et pour cause, c’est le seul à indiquer le coût global de plus de 1 000 véhicules sur les cinq prochaines années et en fonction de quatre kilométrages annuels possibles (10 000, 15 000, 25 000 et 35 000 km) ». Cet indicateur comprend toutes les données financières liées à l’usage d’un véhicule dans le temps, qu’il s’agisse de la décote, la carte grise, le carburant, l’assurance, les révisions, les consommables autres (pneumatiques, freins, …), etc.

En 2018, ledit site automobile spécialisé proposait un article utile indiquant le PRK de tout un ensemble de véhicules, allant de ceux coûtant le moins cher au kilomètre (Dacia Sandero, avec ~ 0,33€/km) à ceux coûtant le plus cher (Land Rover Velar, avec ~ 3,78€/km), en passant par les intermédiaires (Peugeot 308, avec ~ 0,78€/km et Mercedes Classe C, avec ~ 1,18€/km). Par ailleurs, un article plus récent d’Automobile-Magazine (mi-2023) expliquait sans détour que « le coût kilométrique des voitures neuves n’a cessé d’augmenter depuis 2020 ».

Toutefois, même en utilisant les données délivrées par L’Argus en 2018 et minorées par rapport à 2023/2024, les coûts d’utilisation d’un véhicule sont accablants. En reprenant l’exemple des modèles précités, pour la première année et seulement les 15 000 premiers kilomètres parcourus, le coût de revient est équivalent à :

  • Dacia Sandero : 0,33 x 15 000 = 4 950 €/an (ou 412,5 €/mois)
  • Peugeot 308 : 0,78 x 15 000 = 11 700 €/an (ou 975,0 €/mois)
  • Mercedes Classe C : 1,18 x 15 000 = 17 700 €/an (ou 1 475,0 €/mois)
  • Land Rover Velar : 3,78 x 15 000 = 56 700 €/an (ou 4 725 €/mois)

Les conséquences financières

Vertigineux, n’est-ce pas ? La décote est un facteur essentiel à prendre en compte pour les véhicules très récents et neufs, d’où l’impact financier conséquent après une année seulement pour les véhicules (très) onéreux à l’état neuf.

Cependant, même en se positionnant à l’usage du véhicule le plus simple, le moins onéreux à l’usage et aussi le moins coûteux depuis sa sortie en 2007, à savoir la Dacia Sandero susnommée avec un coût moyen de 0,33 €/km, les coûts liés à l’usage du véhicule sont conséquents. En conservant cette donnée de 0,33 €/km et en minorant le kilométrage parcouru annuellement à 11 000 kilomètres (ce qui devrait normalement faire augmenter le PRK), le coût d’usage annuel du véhicule est le suivant :

  • Coût estimé d’une Dacia Sandero, pour 11 000 km/an et PRK = 0,33€ : 0,33 x 11 000 = 3 630 €/an (ou 302,50 €/mois)

Avec une consommation mixte d’environ 7,5L/100km, cela représente environ 825 litres de carburant pour 11 000 kilomètres, soit un total d’environ 1 526,25 euros de carburant (ou 127 €/mois). En outre, il peut être ajouté à cela 400 euros d’assurance/an (ou 33 €/mois), une révision générale annuelle d’environ 228,52 euros (ou 19 €/mois), des consommables autres (pneus, freins, suspensions, embrayage, contrôle technique, etc.) d’environ 1 000 euros (ou 83 €/mois) et, en plus, une faible décote annuelle de 500 euros (ou 41 €/mois).

Le constat est donc sans appel, avec un coût annuel moyen estimé à un minimum de 3 600 euros/an (ou 300 €/mois). À échelle de 40 ans, cela équivaut à une somme totale dépensée en automobile de 145 440 euros (soit 3 636 € x 40 ans).

Somme dépensée vs. somme perdue

Bien que la somme dépensée de 145 440 euros représente un pécule conséquent, il ne s’agit toutefois pas de la somme perdue ; cette dernière étant bien plus grande.

Pour connaître la somme réellement perdue, il est nécessaire de mettre en rapport la somme dépensée – a minima – avec la quantité d’inflation cumulée connue sur une période équivalente (aussi appelable « inflateur cumulé »). En France, par exemple, l’inflation moyenne annuelle connue en France au cours des cent dernières années (de 1922 à 2022), est d’environ 8% (soit +/- le rendement annuel du CAC 40 depuis sa création).

À partir de ce constat, trois scénarios sont à évoquer :

  • Cas n°1 (argent dépensé pour la Dacia pendant 40 ans) : – 145 440 euros
  • Cas n°2 (argent épargné sur Livret A pendant 40 ans) : + 391 411 euros (avec ~ 3%/an)
  • Cas n°3 (argent investi, rendement ⩾ inflation pendant 40 ans) : + 1 055 799 euros (avec ~ 8%/an)

Les écarts sont saississants, en ce que la somme réellement perdue ici correspond à la plus grande des différences logique, c’est-à-dire entre le cas n°1 (dépense pour le véhicule) et le cas n°3 (argent non dépensé pour un véhicule et investi à raison de 8%/an), à savoir :

  • Somme perdue = Cas n°3 – Cas n°1 = 1 055 799 – (- 145 440) = 1 055 799 + 145 440 = 1 201 239 € (ou 1,2 million d’euros)

Ainsi, à échéance d’une période de 40 ans, l’écart financier entre une personne ayant dépensé pendant ladite période ~ 300 €/mois, à titre automobile, et une personne ayant préféré investir cette somme à ~ 8%/an, donc en refusant la dépense automobile, est de l’ordre de 1,2 million d’euros. Ce dernier montant correspond à la somme perdue.

Conclusion

Le constat est sans équivoque et le bilan dressé quant à l’impact financier de l’utilisation d’une automobile, même à faible budget, tout au long de la vie d’une personne active tient en un seul et unique mot : ABYSSAL !

En effet, pour la majorité des personnes, bénéficier d’une somme équivalente à 1 million d’euros (ou de dollars, ou de pounds, etc.) apparait comme un « rêve » inaccessible.

Pourtant, au travers d’un mécanisme mathématique simple, appelé « composition des intérêts », il apparaît que cette difficulté d’atteindre une telle somme d’argent à échéance d’une vie d’actif relève plus souvent de choix financiers malmenés plutôt que d’objectifs inaccessibles par nature.

Tout au long de cet article, SCYLLA INVESTMENT a porté le sens du détail au premier plan. De manière logique, raisonnée et mathématique, il est ainsi logiquement donné raison – sans parti pris pour autant – au chanteur Renaud dans sa chanson Hexagone lorsqu’il disait que « la bagnole, la télé[vision], le tiercé, c’est l’opium du peuple de France ».

Que ce soit en mesurant la pleine portée de son propos, ou non, l’auteur de cette chanson se voulant tout à fait populaire à l’époque de sa sortie anticipait justement l’un des plus grands maux financiers allant peser sur la vie de la majorité des baby-boomers (ainsi que les générations suivantes) : le coût désatreux d’une automobile.

S’il est possible que cet article paraisse déplaisant à certains aficionados, la logique et les mathématiques n’ont pas pour vocation à verser dans le sentimental. Tant sur le plan factuel qu’empirique, SCYLLA INVESTMENT affirme sans hésitation aucune que l’automobile est – pour la majorité des personnes – une véritable passoire financière avilissante et patrimonialement déliquescente.