Les informations communiquées concernant la dette de chaque pays par rapport à son PIB (Produit Intérieur Brut) sont généralement partielles. D’ailleurs, elles sont tellement partielles que cela en frôle le ridicule tant la face immergée de l’iceberg est grande. Le point soulevé dans cet article est tel, que cela laisse à penser que certaines informations n’ont pas pour vocation à être connues du plus grand nombre. Explications !
Préambule
A travers les humoristes , certains messages d’envergure ont pu être délivrés par le passé (plus ou moins lointain) ; tels des J. De la Fontaine des temps modernes. Dès lors, il semble pertinent, en préambule de cet entrefilet, de faire (re-)découvrir un passage humoristique d’anthologie, à la connotation sarcastique mais ô combien réaliste.
« On ne peut pas dire la vérité à la télé : il y a trop de monde qui regarde. »
Coluche, dans son sketch intitulé « Les Journalistes » (voir extrait ci-dessous)
Contexte
A l’heure où la dette (publique) de la France dépasserait, semblerait-il, tout juste le seuil de 110 % par rapport à son PIB (selon Fondation IFRAP), la dette moyenne des 27 pays de l’Europe serait toujours sous un prétendu seuil moyen de 84 % par rapport au PIB européen (selon Toute L’Europe).
Pour le lecteur ou l’auditeur non averti, il peut aisément sembler que les roses soient bien roses et que le fait d’avoir imprimé des billions d’euros – c’est-à-dire des milliers de milliards d’euros – pendant la pandémie COVID-19 n’ait pas eu la moindre conséquence sur l’Économie.
En outre, pour la plupart des groupes de presse, le marché des Dérivés, les Assouplissements Quantitatifs, les Subprimes, les CDS, les CDO, les MBS, la crise des dettes souveraines (2015), etc. ne semblent pas être des éléments en sus devant entrer dans le champ d’analyse des effets des politiques monétaires accomodantes menées depuis plus de 15 ans par les banquiers centraux occidentaux (par la FED, la BCE et la BoJ).
Et si l’information moderne, à l’heure du tout numérique, n’était que (très) partielle ? Et si, contrairement à l’aspect humoristique soulevé précédemment, même les journaux papiers n’étaient plus – aujourd’hui – véritablement source d’information authentique (au sujet du fonctionnement des nations) ?
Des éléments de réponse fournis par la CIA via son portail « The World Factbook » !
Comme évoqué dans le précédent article du site, il n’est guère l’apanage de Scylla Investment de spéculer sur l’intention des dirigeants ou des institutions.
Parallèlement à cela, il existe des éléments qui ne s’inventent guère, a fortiori concernant la dette des pays.
A cet effet, il existe un outil en libre accès, fort méconnu des populations, mis à disposition par la CIA (services de renseignements américains) intitulé : « The World Factbook » (littéralement, « Le Livre des faits dans le Monde »).
Sauf spécification contraire, les analyses suivantes réalisées par Scylla Investment ont été exécutées à partir des données gratuites disponibles sur le site de la CIA concernant le PIB ainsi que l’endettement des pays.
Coup d’oeil sur « le vrai PIB » des grands pays, pour l’année 2020-2021
Avant de s’intéresser aux données relatives aux dettes, il est utile de se pencher quelques instants sur l’outil économique avec lequel elles sont généralement mises en rapport : le Produit Intérieur Brut (PIB).
Sur le site Internet de la CIA, dans une page web de « The World Factbook » intitulée « Real GDP (purchasing power parity) » – c’est-à-dire « Le véritable PIB (selon la parité de pouvoir d’achat) » -, on trouve des valeurs de PIB relativement pertinentes.
De plus, des précisions sont indiquées sur ladite page : « Le PIB (selon la parité de pouvoir d’achat) compare le produit intérieur brut (PIB) ou la valeur de tous les biens et les services finaux produits dans un pays au cours d’une année donnée. Le PIB d’un pays évalué à parité de pouvoir d’achat, avec application du taux de change monétaire, est la valeur totale de tous les biens et services produits dans le pays évalués aux prix en vigueur aux États-Unis ».
Selon cet outil officiel se revendiquant d’indiquer le « le vrai PIB » des pays, on retrouve les pays suivants dans le Top 10, pour l’année 2021 (donc a minima actualisé en 2022) :
1) Chine : ~ 24,861 billions $ (soit 24 861 000 000 000 $)
2) États-Unis : ~ 21,132 billions $
3) Inde : ~ 9,279 billions $
4) Japon : ~ 5,126 billions $
5) Allemagne : ~ 4,424 billions $
6) Russie : ~ 4,078 billions $
7) Indonésie : ~ 3,246 billions $
8) Brésil : ~ 3,128 billions $
9) France : ~ 3,048 billions $ (soit environ 2,743 billions euros, selon le taux de change euro/dollar fin 2021 de 1$ = 0,9€)
10) Royaume-Uni : ~ 3,028 billions $
Le fonctionnement des dettes des pays
Si l’entrée de le vif du sujet se précise, pourquoi traiter « des dettes » des pays et non de « la dette » des pays ?
La réponse à cette question est simple, en ce que chaque pays commerce avec lui-même (ex : entreprise avec son département, le département avec sa région, la région avec son Etat, etc.) mais aussi avec l’extérieur (ex : importations de matières premières, d’énergie, etc.).
De cette simple évidence nait donc un constat dont peu de monde parle, à savoir la co-existance de deux principales dettes pour chaque pays au monde : la dette intérieure (ou dette nationale/publique, pour son commerce intérieur), d’une part, et la dette extérieure (ou dette internationale, pour son commerce extérieur), d’autre part.
A ce moment-là, beaucoup de choses changent dans la perception de la réalité puisque la dette totale d’un pays n’est pas seulement celle [la dette publique] dont on entend parler dans les informations, mais bien la somme de la dette publique et de la dette externe d’un dit pays.
Dette publique vs dette externe des pays selon la CIA, pour l’année 2020-2021
Dans une page web de « The World Factbook » intitulée « Public debt », il est indiqué que « La dette publique compare le total cumulé de tous les emprunts publics moins les remboursements qui sont libellés dans la monnaie nationale d’un pays. La dette publique ne doit pas être confondue avec la dette extérieure ».
L’information selon laquelle la dette publique et la dette extérieure sont deux choses distinctes est donc authentique, valide, et vérifiable sans grande difficulté.
Ceci étant dit, l’extension des recherches à la dette extérieure parait donc logique afin d’avoir une vision élargie. Cela tombe à pic, puisque dans une page web de « The World Factbook », on trouve également une page intitulée « Debt – External » expliquant que « La dette extérieure compare le total de la dette publique et privée due aux non-résidents et remboursable en devises étrangères, en biens ou en services. Ces chiffres sont calculés sur une base de taux de change ».
A la lecture de ces informations communiquées officiellement par la CIA, tout un chacun est donc aisément en mesure de valider le propos de Scylla Investment selon lequel : Dette totale d’un pays = Dette intérieure + Dette extérieure.
En reprenant les pays figurant dans le Top 10 susmentionné, avec l’utilisation des abréviations « DP » pour « Dette Publique », « DE » pour « Dette Extérieure » et « DT » pour « Dette Totale », il apparait les éléments suivants (en pourcentage du PIB des pays) pour l’année 2020-2021 (selon les années répertoriées par la CIA) :
1) Chine : ~ 47 % (DP) ; ~ 8 % (DE) ; ~ 55 % (DT)
2) États-Unis : ~ 126 % (DP) ; ~ 96 % (DE) ; ~ 222 % (DT)
3) Inde : ~ 46 % (DP) ; ~ 6 % (DE) ; ~ 52 % (DT)
4) Japon : ~ 216 % (DP) ; ~ 83 % (DE) ; ~ 299 % (DT)
5) Allemagne : ~ 64 % (DP) ; ~ 128 % (DE) ; ~ 192 % (DT)
6) Russie : ~ 23 % (DP) ; ~ 11,5 % (DE) ; ~ 34,5 % (DT)
7) Indonésie : ~ 43 % (DP) ; ~ 12 % (DE) ; ~ 55 % (DT)
8) Brésil : ~ 101 % (DP) ; ~ 22 % (DE) ; ~ 123 % (DT)
9) France : ~ 123 % (DP) ; ~ 208 % (DE) ; ~ 331 % (DT)
10) Royaume-Uni : ~ 195 % (DP) ; ~ 288 % (DE) ; ~ 483 % (DT)
Afin de mettre en correspondance les résultats présentés ci-avant, et émanant de l’exploitation des données publiques disponibles pour l’année 2020-2021 sur le site de la CIA, la capture d’écran ci-après a été réalisée ce jour sur le site US Debt Clock et présente les pourcentages (par rapport aux PIB respectifs) de dettes intérieures (colonne « Public Debt to GDP Ratio ») et de dettes extérieures (colonne « External Debt to GDP Ratio ») des principaux pays en ce début de juin 2023 :
Conclusions
Les résultats sont sans équivoque pour les pays occidentaux, puisqu’ils sont quasiment tous en état de surendettement et donc de faillite, selon les conclusions et critères (voir ci-dessous) de la Banque des Règlements Internationaux (ou Bank for International Settlements, en anglais) dans son étude intitulée « The Real Effects of Debt » de Septembre 2011.
« Alors que l’attention des décideurs politiques à la suite de la récente crise s’est portée sur la réduction du risque systémique découlant d’un système financier fortement endetté, les défis vont au-delà. Notre examen de la dette et de l’activité économique dans les pays industrialisés nous amène à conclure qu’il existe un lien évident : un endettement élevé nuit à la croissance. Lorsque la dette se situe dans une fourchette de 85 % du PIB, de nouvelles augmentations de la dette peuvent commencer à avoir un impact significatif sur la croissance […].
Pendant ce temps, pour la dette des ménages, notre meilleure estimation est qu’il existe un seuil d’environ 85 % du PIB, mais l’estimation de l’impact est extrêmement imprécise. Une implication claire de ces résultats est que les problèmes d’endettement auxquels sont confrontées les économies avancées sont encore pires que nous le pensions. […]
Ainsi, à mesure que la dette publique augmente et que les populations vieillissent, la croissance va chuter. À mesure que la croissance chute, la dette augmente encore plus, renforçant l’impact à la baisse sur un taux de croissance déjà faible. […]
Il est important de noter que notre constatation d’un seuil pour les effets de la dette sur la croissance n’implique pas que les autorités doivent viser à stabiliser leur dette à ce niveau. Au contraire, puisque les gouvernements ne savent jamais quand un choc extraordinaire se produira, il est sage de viser à maintenir la dette à des niveaux bien inférieurs à ce seuil. […]
Mais que devons-nous faire à ce sujet ? Les efforts actuels visent à augmenter le coût du crédit et à rendre le financement moins facilement accessible aux emprunteurs potentiels. Peut-être devrions-nous aller plus loin, en réduisant à la fois les subventions gouvernementales directes et le traitement préférentiel dont bénéficie la dette. En fin de compte, la seule issue est d’augmenter l’épargne ».