Publié le

Économie : « L’été de l’humiliation de l’Europe », selon le Financial Times

CET ARTICLE EST LE RÉSULTAT D’UNE TRADUCTION (RÉALISÉE PAR SCYLLA INVESTMENT) DE L’ARTICLE DU SITE FT.COM INTITULÉ “Europe’s summer of humiliation” DATANT DU 31 JUILLET 2025 ET ÉCRIT PAR MARC DE VOS.

LES PROPOS EXPRIMÉS DANS CET ARTICLE N’ONT AUCUNEMENT VOCATION À REPRÉSENTER OU FAIRE VALOIR LES OPINIONS DU SITE SCYLLAINVESTMENT.COM ET CONSTITUENT SEULEMENT UNE INFORMATION DE GRANDE AMPLEUR LIÉE AUX ENJEUX ÉCONOMIQUES EN EUROPE POUR L’ANNÉE 2025.

 


 

« L’Amérique savait que l’UE était faible. Le reste du monde le sait maintenant.

L’auteur est co-directeur général de l’Institut Itinera basé à Bruxelles et auteur de ‘Superpuissance Europe : la révolution silencieuse de l’Union européenne’.

L’Europe est entrée dans l’été avec la perspective d’un divorce transatlantique qui se profilait à l’horizon, alors que l’avenir de l’Ukraine, de l’OTAN et du commerce restait incertain. Alors que leurs vacances à la plage les attendent, les dirigeants européens peuvent maintenant pousser un soupir de soulagement. Le président américain, qui a qualifié l’OTAN d’obsolète, a promis de mettre fin à la guerre en Ukraine en 24 heures et a déclaré l’UE comme un ennemi.

Mais pour apaiser les instincts de Donald Trump, l’Europe a dû s’incliner et payer, pas moins de trois fois : d’abord pour l’OTAN, en promettant des centaines de milliards de dépenses supplémentaires pour la défense et la sécurité. Puis pour l’Ukraine, en s’engageant à payer les armes dont elle a besoin aux États-Unis. Et cette semaine pour le commerce, permettant aux États-Unis de multiplier unilatéralement les tarifs douaniers même si l’Europe promet plus de 1 300 milliards de dollars en achats d’énergie et d’armement américains, et en investissements sur le sol américain.

Les négociateurs européens peuvent faire valoir que les tarifs américains pour de nombreux autres pays sont encore plus élevés, que les normes européennes de produits et de sécurité restent en vigueur, que l’énergie américaine est une alternative souhaitable à l’énergie russe, que les achats d’armes sont déjà prévus dans le cadre des plans de l’OTAN, que les investissements européens dans l’économie américaine se produisent de toute façon et que les chiffres annoncés des achats de l’UE sont aspiratifs. L’Europe paie peut-être un prix acceptable pour la stabilité commerciale, à condition que Trump ne change pas d’avis et que les zones grises restantes, y compris l’acier et les produits pharmaceutiques, soient épargnées par les tarifs punitifs.

Mais l’Europe ne peut pas se cacher derrière le fait que l’administration Trump l’a intimidée pour la soumettre. Le principal bloc multilatéral de libre-échange au monde n’a pas réussi à défendre le commerce. La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a même été réduite à dépeindre l’Europe comme le méchant, en répétant le faux récit de Trump sur le commerce à somme nulle.

Les pays européens réunis manquent de force économique, de puissance militaire et de vision du monde commune pour défendre collectivement des valeurs et des intérêts communs. L’Europe ne peut pas mener une guerre commerciale avec les États-Unis parce qu’elle est divisée. Elle ne peut pas se le permettre parce qu’elle est faible. Elle ne peut pas jouer l’art de l’accord commercial de Trump, en mélangeant la géopolitique, la puissance dure et l’ego, dans le processus technocratique pour lequel l’UE est conçue. L’Amérique le savait. Le reste du monde le sait désormais. Le nivellement de l’Europe est né de l’impuissance et fait d’humiliation.

Psychologiquement, cet apaisement forcé va-t-il enfin pousser l’Europe à se prendre au sérieux comme puissance géopolitique, ou va-t-il au contraire enraciner la division et la dépendance européennes ? Les signes ne sont pas très prometteurs. Les pays européens se sont engagés à dépenser davantage pour la défense et la sécurité, mais l’incitation à l’acquisition nationale commune est ce qu’il y a de plus européen. Entre-temps, trois ans et demi après le début d’une guerre d’invasion, l’Europe est toujours incapable de produire les armes essentielles pour l’Ukraine.
L’approfondissement du marché intérieur européen en tant que force géopolitique gravitationnelle dans les domaines de l’énergie, de la défense, des communications et de la finance a été puissamment préconisé dans des rapports influents, mais ne gagne que peu de terrain politique. La lutte contre le déclin industriel fait de plus en plus revenir le passé du soutien de l’État national, en contournant l’intégration du marché européen. Mobiliser plus de fonds européens communs, peut-être la voie la plus facile, reste encore un tabou comme l’ont encore démontré les récentes discussions sur le prochain budget de l’UE.

Le plus grand développement européen de l’année est la réémergence de l’Allemagne en tant qu’acteur militaire, avec un plan quinquennal de dépense de plus de 600 milliards d’euros pour la défense et la sécurité. Mais de façon révélatrice, le gouvernement Merz adopte une philosophie ‘Made for Germany’ renonçant à l’opportunité de placer une nouvelle Allemagne au cœur d’une coalition qui pourrait former la base d’une future union européenne de la défense.

Dans le même esprit, le récent accord de Lancaster House entre le Royaume-Uni et la France est une ‘entente industrielle’ bilatérale à l’ancienne, permettant aux deux pays d’occuper une position de force nationale dans une Europe de la sécurité et de la défense, mais pas une pierre angulaire d’un plus grand projet proto-européen.

Jean Monnet a dit que ‘l’Europe se fera dans les crises et elle sera la somme des solutions apportées à ces crises’. Son camarade fondateur de l’UE, Paul-Henri Spaak, a quant à lui observé que ‘il n’y a que deux types d’États en Europe : les petits États et les petits États qui n’ont pas encore réalisé qu’ils sont petits’. Si l’humiliation de l’Europe doit cesser, ses nations dirigeantes doivent se souvenir de Spaak et réapprendre Monnet.