Il est toujours effarant de constater à quel point toutes les liaisons avec le monde bancaire sont toujours pleines d’étranges coïncidences et d’innombrables problèmes. Y compris lorsqu’il s’agit des produits bancarisés en or : les lingots (ou les barres) d’or.
Souvent expliqué par Scylla Investment, le lingot est en effet tout SAUF un produit d’investissement puisque, entre autres éléments, il s’agit simplement d’une « unité de stockage » en or servant à des fins bancaires (étant plus simple à stocker dans des coffres-forts que des centaines de pièces, par exemple) et que nombreux sont les appareils de mesure incapables de déceler si un quelconque lingot d’or est authentique et/ou, notamment, composé d’autres alliages en son centre.
Concernant ce dernier point, à savoir la question épineuse de la composition d’un bloc d’or en son sein, Scylla Investment relaie présentement un article du journal Le Point datant d’août 2019 qui ne manque pas d’évoquer le fait « qu’il y en a [des faux lingots d’or] beaucoup, beaucoup, beaucoup en circulation ».
De l’or de contrebande se cache dans les stocks mondiaux
L’agence Reuters, relayée par « Le Parisien », révèle que des lingots d’or issus de trafics illégaux ont été retrouvés dans les coffres d’une grande banque.
Par Le Point.fr, publié le 28/08/2019 à 20h04
La découverte pourrait n’être que la partie émergée de l’iceberg. Les principales banques intervenant dans le marché mondial de l’or permettent-elles d’écouler des lingots d’or de contrebande ? Une longue enquête de l’agence de presse Reuters, reprise par Le Parisien, fait état d’une importante découverte qui pourrait être symptomatique d’un véritable système de blanchiment d’or de contrebande. Dans les coffres de la banque américaine JPMorgan Chase & Co. ont récemment été découverts plus de 2 000 kilobarres, lingots d’un kilo chacun, tous gravés d’un même numéro de série. Comme le rappelle le quotidien, un lingot d’or comprend systématiquement plusieurs mentions : son poids, la pureté du métal et un numéro de série auxquels s’ajoute la plupart du temps le logo du raffineur.
Les lingots retrouvés chez JPMorgan portaient donc tous le même numéro de série, la même identité, et étaient falsifiés via différents logos des principaux raffineurs mondiaux. Autrement dit, tout sur ces lingots laissait penser qu’ils sortaient de raffineries officielles. Falsifiés, ils ont permis d’écouler de l’or récupéré en dehors des circuits légaux, de l’or de contrebande à qui la conservation précieuse au sein de la banque a conféré de la valeur. Une valeur bien précise : 43 700 euros pièce [en 2019, contre 56 100 euros début février 2023], soit 87 millions d’euros selon le cours de l’or du moment, pour les 2 000 lingots concernés. Quatre des principaux raffineurs suisses déclarent n’avoir pas produit les kilobarres en question, leur logo figure pourtant sur certains d’entre eux.
JPMorgan déclare avoir « alerté immédiatement les autorités compétentes et les raffineries » à la découverte des lingots « mal marqués » et précise n’avoir « pas encore eu d’incident entraînant une perte pour le cabinet ou un client. » Contrairement à un autre type de faux lingots, issus d’un autre métal et recouverts de feuilles d’or, les lingots de ce type sont presque indétectables, parfaitement réalisés et aussi précieux que les vrais. Seule l’origine change, mais elle change tout.
Partout où se trouve de l’or dans le monde, en RDC, au Soudan, en Corée, au Venezuela, au Brésil, en Inde, en Guyane, etc., rôdent des trafiquants, exploitant ou faisant exploiter des filons illégalement à des orpailleurs qui travaillent dans d’atroces conditions, parfois pour des réseaux mafieux, comme le dénonce régulièrement l’ONU depuis plus d’une quinzaine d’années. Acquis frauduleusement, l’or transformé en lingots quasi officiels pourra ainsi être écoulé à un tarif suivant le cours mondial, soit, on l’imagine, bien plus que sur le marché noir. Le directeur général de l’une des plus importantes raffineries au monde s’inquiète : « Les derniers faux lingots détectés ont été réalisés de manière hautement professionnelle, il y en a beaucoup, beaucoup, beaucoup en circulation. » Les 2 000 lingots récemment découverts pourraient donc n’être qu’une goutte dans l’océan étincelant de l’or mondial.
A la lecture de cet article, tout lecteur n’a peut-être pas prêté garde à une information cruciale révélée par le journal Le Point dans cette affaire : « Les lingots retrouvés chez JPMorgan portaient donc tous le même numéro de série, la même identité, et étaient falsifiés via différents logos des principaux raffineurs mondiaux ».
Avec les grands volumes d’achats d’or réalisés par les grandes banques internationales, il parait peu probable que ne soit pas tenu par ces dernières un registre des lingots achetés et détenus par celles-ci. Aussi, un tel article de journal devrait interroger tout lecteur averti quant au risque significatif d’une potentielle collusion entre les grandes banques internationales et le business des faux lingots toujours en plein essor à l’heure actuelle.
Comme l’écrivait Ian Fleming dans son roman Goldfinger, faisant ainsi écho aux Règles de Moscou, « Une fois, c’est un hasard. Deux fois, c’est une coïncidence. La troisième fois, c’est une action ennemie ».