Il est très certainement temps que tout un chacun arrête ses simagrées concernant les biens immobiliers et le (supposé) caractère d’investissement qu’ils pourraient représenter. Si tout un dossier est déjà dédié à l’immobilier, en cliquant ici, il s’avère qu’accentuer la prise de hauteur sur ce domaine est nécessaire pour les investisseurs compte-tenu des évènements immobiliers des vingt dernières années. Explications !
Contexte
Dans une lettre ouverte au Président de la République, intitulée « Alerte rouge logement », la FNAIM (Fédération Nationale des Agents Immobiliers) alertait le 15 mai 2023 sur la hausse des taux d’intérêts qui réduit la capacité d’emprunt des acheteurs. Parallèlement, il est indiqué que de vives « tensions » existent sur ce marché à divers égards.
Par définition, un « marché » est économiquement parlant une place où se confrontent acheteurs et vendeurs ; ceci permettant d’aboutir à un prix d’équilibre dit « de marché ».
Or, les personnes actives de ce monde n’ont-elles pas l’impression de se faire duper en permanence par une « illusion de marché ». Dans le film Matrix, des soeurs Wachowski, il était dit « Tu sais que le monde ne tourne pas rond sans comprendre pourquoi, mais tu le sais, comme un implant dans ton esprit, de quoi te rendre malade ».
La fin de l’omerta
Pour l’immobilier, voici la compréhension nécessaire permettant de lever cet écran de fumée ne facilitant pas la lecture économique et financière de ce qu’il se passe à échelle du domaine.
Cet écran de fumée est caractérisé par la pensée qu’il existe réellement un « marché » immobilier. Ceci est totalement illusoire, comme l’illustre parfaitement bien le contexte actuel. Ce dernier est très représentatif des vingt dernières années concernant le domaine immobilier.
D’une part, du côté des vendeurs, les biens ne peuvent être vendus à autrui sans le consentement direct et indirect de l’État français (ou des institutions qui le représentent) à travers différents processus : classification et diagnostic de performance énergétique des logements, gel des prix dans certaines zones, plans locaux d’urbanisme, cadre légal, fonctionnement du PINEL, droit de préemption, etc.
D’autre part, du côté des acheteurs, la majorité des biens (environ 79 %, selon Statista et son étude du 19 mai 2023 intitulée « Recours au crédit afin d’acheter un bien immobilier en France 2016-2021 ») nécessitent un financement bancaire afin d’être achetés. Sans financement bancaire, dans près de 80 % des cas, les acheteurs n’achètent donc plus. Ni plus, ni moins.
Ces deux parts sont confirmées, sans équivoque, par la FNAIM dans les conclusions de sa lettre ouverte « Alerte rouge logement » susmentionnée : « Enfin, il est impératif de mieux accompagner la rénovation énergétique grâce à des moyens à la hauteur des enjeux, de façon à rendre les objectifs atteignables avec les ressources des ménages. Pour cela, outre un financement public accru, des solutions bancaires sont nécessaires. À défaut, il faudra se résoudre à assouplir le calendrier imposé par la loi climat et résilience […] ».
Dès lors, s’il est inévitable que tout un chacun peut appliquer la politique de l’autruche et essayer de voir en ces récents évenèments un caractère exceptionnel et rarissime, il s’avère que cela serait tout à fait inexact puisque cela fait bien plus de vingt ans que le domaine immobilier fonctionne ainsi. A ce titre, tout lecteur est invité à parcourir l’article de Scylla Investment suivant : Immobilier : est-ce « un produit bancaire que personne ne devrait acheter » ?
En effet, dans un contexte ressemblant de près à un fonctionnement oligarchique, puisqu’il existe UN acteur totalement « monopolistique » à la vente (à savoir l’État français, dans TOUS les cas) et UN acteur quasiment « monopolistique » à l’achat (à savoir la Finance, dans le cas du recours au financement), il est utopique de parler de « marché immobilier ».
Les propos finaux de la FNAIM sont sans appel, une nouvelle fois : « Parce que le logement répond à des besoins liés aux évolutions démographiques et socio-économiques, mais aussi aux enjeux de mobilité et d’emploi qui concernent l’ensemble des territoires, il faut agir vite. ».
Tout au mieux, il est admettable de dire que le fonctionnement du secteur immobilier résulte d’une entente (sur base de négociations) entre l’État et la Finance. En cas de différend entre les deux, tout est à l’arrêt (c.f. situation immobilière en France au quatrième trimestre 2022) ou alors le château de carte s’écroule (c.f. situation actuelle, puisque qui dit nécéssité « d’agir vite », dit aussi à demi-mots « risque imminent »).
Mise en perspective, entre mi-mai 2023 (lettre ouverte de la FNAIM) et début juillet 2023
Il est saisissant de voir à quel point le monde dans lequel chacun vit ressemble à un Titanic qui commence à couler et que la réponse des institutionnels à tous ses occupants est : « Prenez tous une pioche et accélérez le naufrage du navire en faisant des trous dans la coque ».
Depuis la publication de la lettre ouverte de la FNAIM, la situation n’a fait qu’empirer avec, notamment et surtout, la remontée des taux d’usure (taux d’intérêt maximal ne pouvant être légalement franchi à un instant T) à 5,09 % en juillet 2023 (contre 4,52 % en mai 2023).
Le problème est que si les taux d’usure augmentent, les taux d’intérêts moyens augmentent également. Très distinctement, cela veut dire qu’un taux d’usure grimpant de 0,57 point sur la période aura tendance à faire grimper d’autant les taux d’intérêts moyens accordés lors des financements.
Selon Moneyvox, pour le mois de juillet 2023, « les taux moyens sur 20 ans varient ainsi de 3,80 % à 4,05 % en fonction des enseignes, quand les prêts les plus longs, sur 25 ans, vont de 3,90% à 4,22 % ». Pour mettre le taux d’intérêt de 4,22 % en perspective, cela représente presque le taux d’usure de mai 2023.
Mais cela n’est pas tout, car il faut s’intéresser au nouveau coût de ces crédits dépassant désormais les 4,00 %. Afin de donner un ordre d’idée, une modélisation a été réalisée par Scylla Investment avec l’outil calculette de MeilleurTaux.com avec un montant d’emprunt de 300 000 euros, un taux d’intérêts de 4,50 %, un taux d’assurance moyen de 0,34 % et une durée d’emprunt de 25 ans. Voici, ci-dessous, le résultat incluant le coût total du crédit, en supplément de l’emprunt à rembourser :
Dès lors, le coût total du crédit, soit 225 749 euros, représente un taux réel total 75,25% du montant emprunté. Donc, à l’heure de juillet 2023, il est nécessaire que tout un chacun ait conscience que le coût réel d’un crédit immobilier – pour une durée d’emprunt de 25 ans – oscille entre 67 % (pour un taux d’intérêt de 4,00 %) et 84 % (pour un taux d’intérêt à 5,00 %) de la somme empruntée.
En clair, tout crédit de 300 000 euros contracté pour une durée de 25 ans en juillet 2023 aura coûté à l’acheteur – à échéance du crédit – une somme totale (uniquement bancaire, donc hors frais divers, notaire, travaux, taxe d’habitation, taxe foncière, etc.) comprise entre 501 000 et 552 000 euros.
Cela est tout bonnement ahurissant, pour un supposé « investissement » ! Et la situation est loin d’être si exceptionnelle et récente que cela concernant le secteur immobilier français. Au contraire, cela est plutôt « la norme ».
Retour sur 23 ans de taux d’intérêts immobiliers en France
A l’heure où les taux d’intérêts sont (re-)devenus élevés, il ne faut pas oublier que plus de 60 % des vingt-trois dernières années ont connu un scénario identique en France.
Si la période allant de 2015 à 2022 avait relativement fait oublier à beaucoup le coût réel d’un crédit immobilier, compte-tenu de taux anormalement bas, il s’avère pourtant que le taux d’intérêt moyen pour un crédit immobilier en France était d’environ 4,10% pour la période allant de 2000 à 2014 … soit relativement l’exact même scénario que celui vécu actuellement.
Pour preuve de la véracité des informations délivrées présentement, un article du journal Le Progrès intitulé « Crédit immobilier : le taux maximum pour un emprunt à 20 ans dépasse 5 % » datant du 01 juillet 2023 révèle que « ce taux d’emprunt concerne les nouveaux crédits immobiliers pour les prêts à taux fixe d’une durée de 20 ans et plus. Cette hausse est un record depuis 2014 ». Autrement dit, jusqu’en 2014, il était fréquent voir des crédits de plus de 4 % pour des durées d’emprunt supérieures à 20 ans.
Conclusions
« Le futur appartient à ceux qui ont la mémoire la plus longue. » (F. Nietzsche). De fait, savoir se remémorer et comprendre factuellement le passé permet de comprendre au plus près le monde dans lequel chacun évolue présentement.
Une nouvelle fois, à l’instar des précédents articles sur le sujet, Scylla Investment n’a aucun grief en particulier concernant la voie de l’immobilier. Cependant, il est nécessaire de ne pas mélanger les choses et d’être précis sur les termes employés. L’immobilier, dans 99% des cas (y compris locatif), constitue une dépense !
À cet égard, Scylla Investment est tout à fait opposé à la notion « d’investissement » en lien avec le secteur immobilier. Au mieux, le terme de « spéculation » (cas d’un achat/revente très rapide pour tenter d’obtenir une réelle plus-value) est associable au secteur et, au pire, le terme de « placement » ou « d’épargne ».
Une somme est immobilisée/placée, mais sans ajustement par rapport à l’inflation et/ou la dévaluation monétaire, ce qui engendre de facto une dépréciation automatique dans le temps en terme de « Pouvoir d’achat » (c.f. précédent article de Scylla Investment – Dette : la plupart des pays occidentaux seraient-ils en faillite ou, à tout le moins, totalement surendettés ?).
Dans la majorité des cas et dans la durée, le secteur immobilier se révèle être financièrement un très mauvais choix financier compte-tenu de la pluralité d’éléments (légaux, fiscaux, coûts) et de variables (lois, Finance, pollution, énergie, etc.) et à prendre en compte à chaque instant.
Pour conclure ce billet, il est à rappeler qu’un actif/investissement fait rentrer de l’argent dans la poche d’un investisseur, alors qu’un passif/dépense fait sortir de l’argent de la poche d’un investisseur.
L’espoir n’étant pas une variable propre au domaine de l’investissement, espérer acheter 100 pour revendre 200 dans X temps n’est aucunement considérable (tous secteurs confondus) comme de l’investissement mais plutôt comme une partie de Blackjack (ou de la pure spéculation) si aucun fondamentaux économiques/financiers ne permettent d’aboutir rationnellement à cette « logique » globale d’évolution tarifaire.