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Propriété privée : n’est-elle pas un rêve pour beaucoup et une illusion pour tous ?

L’acquisition d’un bien immobilier sous forme de “propriété privée” suscite depuis trop longtemps, dans l’imaginaire collectif, la possibilité de ne plus être redevable de loyers exorbitants. Pourtant, l’État attend au tournant et la réalité ne se confond quasiment jamais avec l’imaginaire.

Le rêve d’acquérir un bien immobilier est la conséquence d’une envie profonde, à savoir “être chez soi”. Les liens entre l’acquisition d’un bien immobilier et celle d’un “chez soi” se traduisent souvent, dans l’imaginaire collectif, par les éléments suivants : aménager son logement à ses goûts, ne pas avoir de compte à rendre à une gérance, n’avoir plus de loyer (exorbitant) à devoir, posséder “quoi qu’il arrive” un toit au-dessus la tête, etc. Les éléments précités ne sont toutefois que pure chimère.

La manière dont la propriété immobilière est généralement perçue (voire pensée) est totalement à revoir puisque non objective. Tout à fait décorrélée de la réalité, pourrait-on même ajouter, cette vision “biaisée” occulte une grande part de ce qui se produit en pratique. Le problème est que la réalité est dure et que l’État n’a que faire des bons sentiments.

En termes très clairs, l’objectif pour l’État dans la démarche d’accompagnement à l’acquisition immobilière est simple : générer des profits dantesques. Comment ? Tel est l’objet de la présente analyse !

Des taxes et des frais, toujours et encore plus

Le maître-mot, ou la clé de voûte, de tout système étatique est simple : les taxes.

Vous naissez, l’État s’enrichit. Vous travaillez, il s’enrichit. Vous produisez, il s’enrichit. Vous consommez, il s’enrichit. Vous mourrez, il s’enrichit encore. Malin, comme système ! Cependant, il est important de préciser que ce système est malin pour les créateurs voire dirigeants dudit système, et non pour les “exécutants”.

Pernicieux pour certains, légitime pour d’autres, le problème n’a pas ici pour vocation a être abordé sous l’angle sentimental donc irrationnel. Au contraire, le problème est ici abordé sous l’angle purement factuel donc rationnel.

De quelle manière un État, quel qu’il soit, s’enrichit-il donc de la naissance à la mort d’un individu du système ? Très simplement, par l’usage du processus de taxation de chaque activité directe ou indirecte dans lequel tout individu sera impliqué tout au long de sa vie.

Les “frais de notaire”

En France, les taxes sur la propriété immobilière sont nombreuses et la note devient vite très corsée lorsqu’on s’y intéresse un minimum surtout pour les biens anciens, dont l’acquisition s’effectue toujours à un taux normal et non réduit :

  1. Taxe de publicité foncière : composée d’une part pour la commune (taux normal : 1,20%), d’une autre pour le département (taux normal : 3,80%) ainsi que d’une dernière part pour l’État (taux normal : 2,37% de la part pour la commune), le taux global normal maximal ne saurait excéder 5,81% (contre 0,71% pour le taux réduit uniquement applicable à l’achat de biens immobiliers neufs où l’État se récupère avec la TVA à 20% ou à 5,5%)
  2. Contribution de sécurité immobilière : 0,1%
  3. Frais et débours : proche équivalent des classiques “frais de dossier”, dont le notaire doit s’acquitter afin de constituer le dossier d’achat du bien immobilier en question (cadastre, urbanisme, etc.)
  4. Émoluments : le notaire est un acteur professionnel, dont la prestation est nécessairement accompagnée d’une rémunération, “réglementée par l’État”. A titre d’exemple, l’acquisition d’un bien immobilier de plus de 100 000 euros génère des émoluments de l’ordre de 0,799% soit 790 euros.

Tous les éléments ci-avant constituent les “frais de notaire”, au sens usuel du terme. A ce titre, je profite de ces lignes afin de vous partager le simulateur des frais d’acquisition de l’ANIL (Agence Nationale pour l’Information sur le Logement) en cliquant ici.

Pour l’exemple, voici ci-dessous le détail des frais d’acquisition pour l’achat d’une boite à chaussures d’un studio d’une quinzaine de mètres carrés dans le 7ème arrondissement de Paris pour la coquette somme de 350 000 euros :

“Frais de notaire” en lien avec l’acquisition d’un bien immobilier de 350 000 euros à Paris

En effectuant des mathématiques élémentaires, il est simple de se rendre compte que le total des frais d’acquisition (c’est-à-dire les “frais de notaire”) payés dans ce cas-ci – soit 25 938,00 euros – s’élèvent de 7,41% du prix d’acquisition du bien.

Les “frais d’agence immobilière”

Il est important de préciser que les frais précités NE COMPRENNENT PAS les éventuels frais d’agence, à la charge de l’acheteur la plupart du temps. D’après Le Parisien, les frais d’agence s’évaluaient à 5,4% (en moyenne) pour l’acquisition d’un bien de 450 000 euros à Paris en 2018.

Partant de ce constat, qui n’a semblerait-il guère changé entre temps, le coût total des frais d’agence immobilière pour un acheteur d’un placard à lapin d’un bien immobilier d’une quinzaine de mètres carrés à Paris 07 pour 350 000 euros serait de 18 900,00 euros.

Il est très probable que cela gratte la gorge de plus d’un “acquéreur” immobilier.

Les “frais de crédit bancaire” (facultatifs si le bien est payé comptant)

Selon Statista, près d’un tiers des actifs français possédaient un crédit immobilier en 2020 pour une valeur totale des encours des crédits immobiliers en France estimée à 1 354,6 milliards d’euros, soit 1,3546 billion d’euros. Compte-tenu du semi-krach connu lors de ces deux dernières années, il est fort probable que ces chiffres soient désormais plus élevés aujourd’hui.

D’après l’Observatoire Crédit Logement, la durée d’endettement moyenne des nouveaux emprunts était de tout juste 20 ans fin 2021.

Une simulation vous est proposée ci-dessous, par l’intermédiaire de Meilleurtaux.com, afin de déterminer les frais de banque et d’assurance liés à un emprunt de 315 000 euros (donc avec apport de 10%, soit 35 000 euros) sur une période de 20 ans avec les taux moyens en vigueur :

Calcul des mensualités d’un prêt pour l’achat d’un bien immobilier de 350 000 euros (avec apport de 35 000 euros)

Le coût total du crédit pendant 20 ans à des fins d’acquisition immobilière à Paris 07 pour un montant total de 350 000 euros (avec apport de 10%) s’élèverait donc à 60 546 euros, soit 17,30% du prix d’acquisition.

Les “frais d’aménagement” (facultatifs mais souvent nécessaires ou souhaités)

Il est, concrètement, très rare de voir des personnes acquérir un bien immobilier ancien (y compris neuf) sans réaliser des (menus) travaux afin soit de s’y sentir “chez soi”, soit de permettre au bien d’être sereinement habitable.

En pratique, l’évaluation moyenne des frais d’aménagement est de l’ordre de 700 euros par mètre carré. Bien que cette estimation ne soit factuellement pas suffisante pour effectuer un bilan précis au poil près, elle permet de dresser une idée de coûts d’aménagement pour une quinzaine de mètres carrés, soit environ 10 500 euros.

Si cela parait peu, surtout s’il s’agit d’un bien non meublé ni équipé, cela donne toutefois une indication non négligeable à prendre en compte.

Un bilan très lourd, avant même l’acquisition

Être objectif dans un monde irrationnel n’est pas tâche particulièrement aisée, et la confrontation avec la réalité mathématique et financière est souvent délicate pour la plupart des personnes.

Or, le constat des sommes à devoir à court et long termes est d’ores et déjà sans appel, avant même l’habitation du bien pour la première fois. En effet, les sommes précédemment énoncées se cumulent pour un total d’environ 115 884,00 euros si l’acquisition est faite à crédit et, à moindre mesure, environ 55 338,00 euros si l’acquisition est faite au comptant.

Que ce soit à crédit ou au comptant, les pourcentages de “frais” en rapport avec le prix d’acquisition (sans parler de la faible superficie) sont majeurs. A ce titre, ils représentent respectivement 33,11% et 15,81% du prix d’acquisition … avant même d’avoir foulé le pas de l’habitation en tant que “habitant propriétaire”.

Les taxes et frais inhérents à la détention du bien

Acquérir un bien immobilier est une chose, mais réussir à le conserver ad vitae æternam en est une autre ! Pourquoi ? Toujours la même chose : les taxes et les frais !

Taxe foncière (sur le bâti ou non-bâti), taxe d’habitation, taxe d’enlèvement des ordures ménagères, taxe sur les logements vacants, taxe de séjour, taxe communale sur les terrains constructibles, etc., les taxes liées aux propriétés ou terrains sont multiples en France. L’État vous attend au tournant, c’est écrit noir sur blanc !

L’impôt sur le revenu locatif n’est pas à exclure, si tant est que vous ayez pour intention de louer temporairement ou totalement votre bien immobilier.

Quant aux frais liés à la détention, il vient surtout à l’esprit les frais d’entretien annuels d’un bien immobilier afin de le maintenir dans de bonnes conditions d’occupations. Et le coût est loin d’être négligeable : entre 0,5% (petit appartement) et 5% (grande maison) du prix d’acquisition dépensés chaque année pour l’entretien. Toutefois, peu d’acquéreurs prennent en compte dans leurs calculs ces coûts subtils mais très présents. En prenant le chiffre de 0,5% de coût annuel d’entretien, cela représente tout de même 1 750 euros par an pour un tout petit appartement d’une quinzaine de mètres carrés, soit 35 000 euros sur 20 ans (donc 10% du prix d’acquisition).

De plus, est-il nécessaire de présenter les fameux frais de copropriété qui s’élevaient en moyenne (sans travaux) à 2 171 euros par an à Paris fin 2019 ? A des fins de mise en perspective, cela représente 43 420 euros de charges de copropriété moyenne pour un bien immobilier à Paris 07 (sans travaux) pour une durée de 20 ans (donc 12,40% du prix d’acquisition).

L’acquisition d’un bien immobilier représente donc une étape, certes, mais la détention représente tout autant une épreuve et un “épongeage” des ressources financières des occupants dans le temps.

La question des frais de succession et/ou de revente d’un bien immobilier ne sera pas abordée dans cet article.

L’État, seul et unique propriétaire de votre logement

Alors oui, le constat est sans appel et il est désagréable d’en arriver à de telles conclusions. La propriété immobilière est une religion mythique dont le système fait tout pour qu’il y ait un maximum de croyants et pratiquants.

Cependant, les faits sont là et indubitables. A ce titre, il est à rappeler le précédent article de Scylla Investment intitulé “Probatio Diabolica : l’impossible preuve de la propriété immobilière ?” mettant en avant à quel point les dés sont truqués par le système, sans parler de l’article “L’immobilier est-il un marché de bulle ou une vraie valeur refuge ?”.

Que ce soit par la notion même de “propriété”, au sens juridique du terme, ou la notion financière relative à ladite “propriété”, cette illusion de “propriété privée” dans laquelle tant de personnes sont bercées représente certainement l’un des plus grands maux de notre société.

Pourquoi ? Simplement parce qu’il ne suffit pas seulement de dévaluations monétaires et d’inflation pour appauvrir un peuple et le contingenter ad vitae æternam, il est aussi nécessaire de mettre en place des sous-systèmes d’épongeage et de collecte permanents des flux financiers individuels au service de quelques nantis.

La propriété immobilière, au même titre que l’automobile ou encore d’autres domaines, fait partie de ces sous-systèmes d’épongeage et de collecte permanents mis en place par quelque État qu’il soit en ce monde.

La loi Lagleize, séparation entre le bâti et le foncier, de 2021 donne également une bonne idée des répercussions à venir.

Les conséquences de tout cela sont simples : les retraités sont contraints de quitter un logement, qui leur “appartient”, car ils ne peuvent plus faire face aux charges nécessaires au maintien de leur habitation. Les “propriétaires” immobiliers actifs souffrent car les salaires n’ont pas du tout suivi l’explosion de tous les coûts au cours des cinquante dernières années. En parallèle de cela, les durées d’endettement pour l’acquisition d’un bien immobilier n’ont jamais été aussi longues et les prix jamais aussi chers.

Enfin, afin de définitivement mettre en perspective les propos ci-dessus, il est important de rappeler que deux villes suisses – Genève et Bâle – figurant parmi les plus riches au monde possèdent également les plus bas taux de propriété jamais enregistrés avec respectivement 17% et 14,3% (données 2014).