Parmi les propos tenus par les opposants à l’or, il est fréquent d’entendre que le précieux métal jaune n’a pas vocation à être utilisé dans le cadre de transactions monétaires courantes et qu’il n’est suffisamment substituable. Bien que ces propos soient infondés, notamment du fait des monnaies et échanges historiques en or et en argent, le commerce à partir d’or physique est tout à fait possible. Un futur retour à l’étalon-or serait-il donc envisageable ?
En guise d’exemple concret, le cas du Venezuela et de l’utilisation localisée de l’or comme monnaie d’échange dans ce pays est abordé dans cet article.
Payer des repas et prestations de service en lingots d’or, vraiment ?
Afin de déterminer l’ampleur de l’effondrement financier, il est utile de se rendre au Sud-Est de Caracas afin d’aller à la rencontre des personnes vivant dans les endroits les plus reculés du pays … telle la ville de Tumeremo.
Sur place, on y trouve tout un ensemble de prestations de service (coiffeurs, restaurants, hôtels, etc.) où les prix sont exprimés en gramme d’or. Comptez la moitié d’un gramme (0,5g) pour une nuit à l’hôtel. Un quart de gramme (0,25g) pour un déjeuner au restaurant et même un huitième (0,125g) pour une coupe de cheveux.
Selon les habitants locaux, “vous pouvez payer [absolument] n’importe quoi en or”.
A l’heure des inénarrables évolutions technologiques d’un système matriciel qui se veut “moderne”, ce qui fonctionne vraiment est généralement le fruit de l’expérience concrète et universellement réussie. L’or en est un excellent exemple. D’ailleurs, voici pourquoi il est tant adulé dans des régions du monde où les monnaies valent encore moins que le bout de papier sur lequel elles sont imprimées.
Certes, la majorité des pays du monde ont délaissé l’or comme moyen d’échange il y a de cela un siècle. Pourtant, force est de constater que son retour au Venezuela aujourd’hui n’est pas anodin. Telle une manifestation de l’abandon du bolivar, la monnaie locale, le retour de l’or incarne quant à lui une stabilité et une fiabilité inégalables.
Monnaie gouvernementale sans contreparties : effondrement assuré !
Une monnaie émise par un gouvernement ne peut aucunement bénéficier d’une valeur stable sans contrepartie physique, c’est-à-dire sans actifs tangibles pour garantir la valeur de l’émission. Toute émission (titre, billet, pièce, etc.) ne peut se substituer à la nécessité de contrepartie, totalement oubliée de nos jours. En effet, pour émettre 10 de quelque chose sur un marché, mieux vaut d’abord posséder ce 10 de quelque chose afin d’éviter de faire un “chèque en blanc”.
Imagineriez-vous payer 10 kg de pommes de terre lors de vos courses dominicales si l’étal se trouvant derrière le vendeur est totalement vide ? Et si ce dernier vous proposait une livraison de vos 10 kg de pommes de terre dans une semaine, contre un paiement immédiat, seriez-vous plus enclin à payer sans repartir avec votre marchandise ? Accepteriez-vous vraiment une livraison à terme, non garantie de surcroit ? Bien sûr que non ! Vous vous douteriez que quelque chose n’est pas clair. Par ailleurs, il vous faut vos 10 kg de pommes de terre immédiatement pour pourvoir préparer le gratin inclus au déjeuner dominical.
Les monnaies modernes ne sont plus rien d’autre qu’une sorte de “chèques en blanc” où l’émission de valeur sur le marché (Masse Monétaire) n’est plus accompagnée de la contrepartie permettant d’assurer légitimement l’émission de ladite valeur. N’oublions pas que la quantité de monnaie en circulation était autrefois directement liée aux détentions étatiques de stocks d’or et d’argent.
Dans le cas du Venezuela et du régime interventionniste de N. Maduro, le bolivar est devenu sans valeur en raison de l’hyperinflation. L’effondrement était assuré, et penser que l’Occident est plus à l’abri que des pays d’Amérique Latine est tout à fait illusoire. A ma connaissance, ni le Reichmark, ni le Franc français, ni la Lire italienne, etc. ont la moindre valeur actuellement. La livre turque ne vous évoque-t-elle rien, au même titre que le Peso Argentin ?
“Tout sauf le bolivar”
Tout comme on peut trouver un autre marchand de pommes de terre lors du marché dominical, on peut trouver une autre monnaie gouvernementale à utiliser de manière non officiel dans un pays en difficulté.
Tel est le cas du Venezuela où le dollar est devenu la monnaie tout à fait non officielle dans les grandes villes ainsi qu’à Caracas. Mais, attendez une petite seconde. N’était-ce pas le même son de cloche dernièrement au Liban ? Ce même pays où les habitants échangeaient bradaient, dans la rue, des livres libanaises à 30% de la valeur réelle dans l’espoir de récupérer des dollars américains ? On parle bien de la même chose dans le cadre du Venezuela.
Tout le long de la frontière Ouest entre le Venezuela et la Colombie, le peso colombien y est la monnaie dominante. Selon Ecoanalitica, il est utilisé dans plus de 90 % des transactions à San Cristobal, plus grande ville de la région. A la frontière Sud entre le Venezuela et le Brésil, le real brésilien y est très souvent la monnaie de choix. L’euro possède également quelque intérêts en certains endroits du pays.
Selon Datanalisis, le constat est clair : “Les gens préfèrent n’importe quelle monnaie au bolivar”. Dans certaines parties du Sud-Est du Venezuela, cette monnaie n’est autre que l’or.
Une économie qui tourne à l’or
Les exploitants de mines illégales paient généralement les travailleurs à la journée en pépites. Il y a donc une certaine quantité d’or disponible. Ils ont utilisé des outils afin de casser les pépites en petites morceaux, qu’ils transportent ensuite dans leurs poches enveloppés dans des billets de bolivar. C’est dire l’utilisation faite des billets du Venezuela.
« L’or est un élément », selon J.C. Artigas, chercheur au World Gold Council à New York. Contrairement aux diamants, qui sont délicats à évaluer, l’or possède des propriétés inhérentes et dispose de choses spécifiques qui peuvent être recherchées, surtout en petits morceaux.
L’utilisation de l’or augmente également dans les villes voisines, tout comme à Ciudad Bolivar (capitale de l’État située le long de l’Orénoque). Les mineurs s’y rendent pour vendre leur or lorsqu’ils veulent de l’argent liquide, et les magasins du centre commercial l’échangent contre des dollars. Dans les villes minières comme Tumeremo, nul besoin de disposer autre chose que de l’or.
D’après le propriétaire d’un hôtel de petite ville, Omar, ses employés sont payés en or, avec des morceaux utilisés par les clients. La nuitée est facturée un demi-gramme pour une chambre. Les deux tiers des clients paieraient en or. Les dollars US et autres devises étrangères sont aussi acceptées pour ceux qui n’ont pas d’or sur eux, mais la préférence semble aller à l’Or. Quant au bolivar, il ne peut légalement pas être refusé dans le pays et les accepte donc à contrecœur … avant de s’en débarrasser aussi vite que possible.
Conclusions
Le retour de l’Or comme étalon de réserve ainsi que de valeur peut paraitre illusoire pour les occidentaux cloitrés dans des vies où le principal intérêt – l’argent – n’est qu’une simple illusion. Illusion en termes d’existence, de valeur ainsi que de fiabilité.
Tous les pays occidentaux sont tous, sans exception, surendettés. Les quinze dernières années de politiques monétaires accommodantes – sans parler des deux dernières – et de “Whatever it takes” (traduction : “Coûte que coûte”) des banquiers centraux nous amènent à grands pas vers la situation d’effondrement monétaire connue par de nombreux pays, dont le Venezuela.
Pour conclure cet article, gardons en mémoire ce qu’avait déclaré la Banque Centrale des Pays-Bas en 2019 (dans un communiqué officiel) : « Si le système s’effondre, notre stock d’or pourra servir de base afin de le reconstruire. L’or instaure la confiance en la stabilité du bilan de la banque centrale, il crée un sentiment de sécurité. »
Pour rappel, les coffres de la De Nederlandsche Bank contenaient plus 15 000 barres d’or à date d’octobre 2020, pour une valeur d’une dizaine de milliards de dollars US.